Le conseil général décide, par délibération en date du 20 décembre 1862 la construction de l’asile de Ville-Évrard, dont les terres et le domaine du même nom sont acquis par le département de la Seine en 1863. L’architecte Paul Eugène Lequeux en dessine les plans. Le premier patient est admis le 29 janvier 1868. Cette première année, l’asile de Ville-Évrard reçoit 716 malades.
De plan symétrique avec une organisation pavillonnaire et un regroupement des services généraux sur un axe central, il répond au principe de séparation des sexes et de classification thérapeutique des malades : les travailleurs, les tranquilles, l’infirmerie, les gâteux, les demi-agités et les agités.
Jusqu’en 1884, le personnel soignant est essentiellement composé d’une quarantaine de religieuses de la congrégation de Saint-Joseph de Bourg. En 1885, le personnel se laïcise et Ville-Évrard se dote d’une école départementale d’infirmiers. Quelques années plus tard, en 1888, la fonction de médecin-directeur se dissocie en deux fonctions distinctes.
Face au manque à gagner d’une population aisée, dirigée vers des institutions privées, le conseil général de la Seine vote la création d’un établissement destiné à recevoir des patients payants. Le 10 mars 1875, le pensionnat de Ville-Évrard est inauguré. Ce sont les architectes Lequeux et Marechal qui en conçoivent les plans. Ceux-ci comprennent six pavillons, situés, en fonction des sexes, de part et d’autres de l’ancien château, lui-même reconverti en pavillon d’hospitalisation. Devant l’afflux des demandes d’admission, le pensionnat est agrandi en 1880 de quatre pavillons supplémentaires, deux pavillons cellulaires, une cuisine et des bains. Ces édifices, dus à l’architecte Marechal, s’inscrivent dans une même unité architecturale de sobriété et de symétrie. Enfin, entre 1902 et 1907, sont construits les deux derniers pavillons dits de traitement continu et dessinés par l’architecte Raphaël Loiseau.
Au pensionnat, le patient et sa famille peuvent choisir entre trois classes dont la différenciation tarifaire reflète la qualité des prestations hôtelières : en dortoirs de dix à douze pensionnaires, trois à quatre ou en chambre individuelle pour la première classe. Le pensionnat de Ville-Évrard ou dit de Neuilly-sur-Marne est également appelé maison spéciale de santé ou maison de santé afin de se démarquer du milieu asilaire. Les pensionnaires et les aliénés ne se côtoient pas, il existe deux administrations.
De 1872 à 1878, Ville-Évrard se dote de nouveaux quartiers, dits les quartiers d’ateliers ou les « grands quartiers » destinés à recevoir les malades travailleurs. Ce quartier est divisé en deux, Pinel et Esquirol, lesquels se partagent les ateliers de menuiserie, de serrurerie, des tailleurs et des cordonniers.
Les aliénés travailleurs se recrutent également à l’asile : ils représentent un vivier de main d’œuvre qualifié présents à la ferme, à l’exploitation agricole, aux cuisines, à la buanderie, dans les bureaux ou encore comme domestiques chez le personnel logé. Ils contribuent ainsi, à moindre coût, au fonctionnement de l’établissement et reçoivent en échange un pécule.
En 1896, ce quartier est entièrement affecté aux malades alcooliques dont le travail est reconnu comme l’une des thérapies contre la dépendance à l’alcool.
A partir de 1898, tous les malades alcooliques hommes sont regroupés à Pinel et Esquirol, désormais dénommés, le service spécial. Ce service spécial est conçu pour accueillir 500 malades alcooliques mais ils y côtoieront les malades les plus difficiles et agités (pavillon Morel) et des tuberculeux (pavillon Falret). Il fermera ses portes en 1970 avec la mise en place de la sectorisation.
Le dépeuplement consécutif à la seconde guerre mondiale associé à la baisse des effectifs de la Maison de Santé permet l’affectation de deux pavillons à l’institut médico pédagogique (IMP). Cette structure fonctionne sous forme d’internat : scolarise et délivre des traitements médicaux à des enfants rééducables (« débile intellectuel léger, retardé scolaire, débile moteurs, énurétique »). Le 5 janvier 1944, l’IMP accueille 90 enfants âgés de 7 ans à 14 ans. Six mois plus tard, l’ouverture d’un troisième pavillon porte la capacité d’accueil à 120 enfants (40 filles et 80 garçons). Malgré des conditions d’hébergement médiocres et inadaptées (deux pavillons pour les garçons et un pour les filles), le succès de cet institut ne se démentira pas au regard du fort taux d’occupation jusqu’en 1968.
Le centre de traitement et de réadaptation sociale (CTRS) entre en fonctionnement le 1er janvier 1948 en vertu d’un accord entre la préfecture de la Seine et la caisse régionale de la sécurité sociale de la région parisienne. La caisse régionale s’engage à fournir l’aide financière et matérielle nécessaire à l’amélioration du rendement thérapeutique.
Ce service englobe les six pavillons hommes de l’asile dont il convient de supprimer toute catégorisation et d’aboutir à un maximum de pavillons « ouverts ». Ce service psychiatrique dispense non seulement des traitements médicaux et physiques (physiothérapie, électricité, gymnastique), des psychothérapies individuelles ou collectives mais veille également à assurer des occupations thérapeutiques (thérapeutiques occupationnelles et ergothérapie), des distractions dans un but de réadaptation sociale. Les clubs foisonnent : club sportif, club des fêtes et kermesses, club musical, club de camping, club culturel, club des ateliers, club du « Tremplin ». Ce journal mensuel du service est entièrement rédigé, illustré, composé et imprimé par les patients du CTRS.
Le CTRS prône l’humanisation du milieu asilaire en s’employant à transformer l’environnement et à réduire la durée moyenne du séjour. Il ouvre également la voie à la mise en place des structures extra hospitalières en instaurant le club de postcure de l’Elan qui accueille les patients à leur sortie du service.
La mise en œuvre de la loi sur la sectorisation a débuté dans les années 70 avec la constitution des 17 équipes de secteur ; la restructuration du site de Neuilly-sur-Marne qui a permis à chaque secteur de disposer de lieux dédiés, 12 pavillons ont alors été construits (Tournesols, Peupliers etc.) ; et de l'intégration en 1976 des équipes et locaux des dispensaires d'hygiène mentale autrefois sous la responsabilité du conseil général.
25 ans après, un programme de développement hors du site de Neuilly-Sur-Marne a été engagé avec, dans un premier temps, l'ouverture de structures de soins alternatives à l'hospitalisation, puis la construction de 3 sites d'hospitalisation qui ouvriront respectivement en 1999 à Saint-Denis pour les secteurs G01, G03, G04, en 2000 à Bondy pour les secteurs G11 et G14 et en 2003 à Aubervilliers pour les secteurs G02, G06, I02.
Ce programme se poursuit avec des projets de relocalisation pour les pôles I03, G05 et G13. Sur le site de Neuilly-sur-Marne, qui fait l'objet d'un important projet de reconfiguration ne devrait rester que les unités des secteurs G09, G10, G12, G15, G16, G18 et I05 ainsi que les unités long cours.
En près de 40 ans, la sectorisation à l'EPS de Ville-Évrard s'est traduite par une réduction des capacités d'hospitalisation temps plein passée de 2 000 lits dans les années 70 à 400 lits. Si l'image de l'établissement reste pour un grand nombre de personnes associée à la concentration de malades et soignants sur le site historique de Neuilly-sur-Marne, sa physionomie est en réalité aujourd'hui plus proche d'un dispositif de soins en réseau organisé autour de multiples structures dispersées dans les villes du département et accueillant des patients hébergés hors de l'hôpital.
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Etablissement
Anne-Pascale Saliou
responsable service archives
01 43 09 33 65
Association
SERHEP (Société d'études et de recherche historiques en psychiatrie), située sur le site de Neuilly-sur-Marne
01 43 09 30 78
Le département de la Seine-Saint-Denis a réalisé une capsule-vidéo dédiée à l’histoire de notre établissement, consultable sur la chaîne YouTube du département, dans la playlist "Architectures en Seine-Saint-Denis". Elle fait suite à l'ouvrage "Architectures en Seine-Saint-Denis" publié par la Société Française d'archéologie. On y découvre l'histoire et l'architecture de Ville-Évrard à travers des documents d’archives et des vues aériennes, présentées par Pierre-Louis Laget, docteur en médecine et conservateur en chef honoraire du patrimoine spécialisé dans l’histoire de l’architecture hospitalière. Une belle façon de (re) découvrir l’histoire de notre établissement.
Pour visionner la vidéo > L'Hôpital Psychiatrique de Ville-Evrard - YouTube